La boisson la plus forte est toujours la meilleure ;
Nous l’allons lamper tout à l’heure.
Un poivrot se désaltérait
Dans l’espoir de se mettre une biture.
Un Mou tirait un joint qui cherchait aventure,
Et que l’instinct en ces lieux attirait.
« Eh, que ne partagerais-tu point ton breuvage ?
Dit ce drogué ivre de rage :
Coquin, tu seras châtié d’un bon coup de pied.
-Siffle ! suggère la Gnôle, Que ma papauté
Ne te mette pas la misère ;
Voilà qu’en toi elle réitère
Sa course folle, et titubant
Tu fais le paon.
Plus de larmes, te poussent des ailes
Qui pitoyablement éloignent les garçons ;
Peu importe, vive la boisson !
-Tu me troubles l’esprit, reprit le jouvencel,
Et je sais qu’en deux mois j’en ai pris plus qu’assez.
-Comment aurais-tu fait si l’on ne m’inventait ?
Il reprit la Gnôle, la tête encore amère.
-Si je ne bois, je désespère.
-Ne t’en fais point. – diantre, je ne vois plus rien :
Car ils ne m’épargnent guère,
Rhum, vin, crème de raisin.
On me l’a dit : c’est l’heure des vendanges. »
Là-dessus, au fond des troquets,
Le Mou s’enlise dans sa fange,
Sans autre forme de procès.
Adapté librement de Le Loup et l’Agneau, de Jean de la Fontaine