Micro et logiciel de son
Créations

Le podcast

Une critique acerbe. Un seul angle qui omet tout ce que nous apportent ces nouveaux artistes. Mais il faut bien se donner des objectifs d’écriture 😀

Les podcasteurs, ce sont des personnes lambda qui se filment toutes seules et des téléspectateurs qui en rient. Et c’est la grande mode, la tendance, l’épidémie.

Aux origines, il y a le podcast narcissique. Le podcasteur, donc, après avoir nettoyé sa chambre ou son salon de fond en comble, ajouté des touches plus ou moins personnelles telles que des objets d’art sculptés en forme de lettres douces, et mis à sa disposition des larbins prêts à faire les guignols avec lui, ajuste sa caméra de sorte que son visage, bien au centre du champ de vision, soit incurvé comme dans un hublot et qu’on le voie davantage. Que l’on ne voie que lui en fait. Il peut alors commencer l’enregistrement, le recording, et se met à jouer un fait de société, le plus souvent propre aux adolescents, à savoir l’école, la drague ou encore l’application Snapchat. D’une voix forte, il parle de lui, de ses ressentis et de ses plaintes, absolument identiques à la pensée du jeune de 2014 pour une identification parfaite de ses viewers. Une fois la présentation du thème finie, il entame une mascarade des plus schizophréniques en alternant des prises du vue de lui-même dans différentes postures, déguisé ou grimé, insinuant qu’il fait une véritable mise en scène avec plusieurs acteurs. À intervalles réguliers, il interrompt sa tirade pour une imitation muette et lente qui, par sa bêtise pleine de véracité, doit susciter le rire des auditeurs. Un podcast se termine toujours par des politesses injonctives soit sous forme verbale, soit par le biais de liens cliquables : « Abonne-toi ! Suis-moi sur Twitter ! Like ma page Facebook ! ». Des réseaux sociaux dont il faut voir l’ampleur de la richesse pour un podcasteur car c’est en ces lieux qu’il puise son inspiration lorsqu’elle s’est fait la malle – d’où les podcasts intitulés « Je réponds à vos questions ! » – et c’est ici qu’il entretient une forme de proximité démagogique avec ses fans pour les démultiplier.

De la même trempe que ces youtubeurs, on trouve, en moins grand nombre, les podcasteurs de l’absurde, ceux  dont on pense qu’ils ne peuvent faire de l’humour sans enchaîner les comportements burlesques, et les viewers d’être confrontés à une série de « what the fuck », expression coutumière pour décrire une action saugrenue, la plupart du temps répétée jusqu’à l’écœurement, qui tend au délire paranoïaque. Ces deux types de podcasteurs ont en commun d’élever l’égocentrisme à son paroxysme en postant le bêtisier de chacune de leurs vidéos. Les viewers voient de nouveau les mêmes scènes mais cette fois, le podcasteur se montre faillible, naturel et terriblement humain. Eh oui, ce sont des gens comme tout le monde.

Ce qui n’est pas forcément le cas des podcasteurs de jeux vidéo. Il en existe deux sous-catégories : le commentateur et le joueur. Le commentateur sélectionne une partie de jeu vidéo qu’il va suivre en mode spectateur et analyse la stratégie et les compétences des joueurs ; ce genre de podcast est destiné aux fans du jeu en question et aux débutants qui souhaitent améliorer leur tactique. Sa voix au micro, empreinte d’une vive excitation qui croît à mesure que la partie avance, n’est pourtant pas comparable à celle du streameur. Cette seconde sous-catégorie requiert une polyvalence maîtrisée puisqu’il faut à la fois rester concentré sur le jeu et prendre suffisamment de recul pour commenter son propre gameplay. Si la plupart parvient à contrôler ces deux aspects en même temps, certains veulent tant partager ce qu’ils vivent qu’ils ne laissent plus aucune barrière à leurs émotions. Une mauvaise action d’un de ses coéquipiers et l’on entend déjà les injures fuser, énoncées de façon claire et criarde, puis les mains se lèvent au ciel en signe de mécontentement, et le type se lève de son siège, fait des tours sur lui-même et casse son clavier. Ce sont bien des humains eux aussi.

Le podcast est, outre la distillerie d’une nouvelle génération, la preuve d’un monde rassemblé autour de l’égocentrisme, né de l’ennui symptomatique de cette ère. La distraction permanente liée à la forte connectivité mène inévitablement à une attitude proscrastinatoire : au lieu de subir les tracas des tâches quotidiennes, les podcasteurs mettent leur solitude à profit, créant leur propre divertissement qui bénéficie ensuite aux internautes désabusés. Le format court des podcasts est également révélateur de l’attention maximale d’un utilisateur sur le web. D’une durée moyenne de cinq minutes, les vidéos de podcasteurs sont faites pour être intégrées dans des playlists, de manière à prolonger la distraction en les enchaînant toutes. Quels que soient les défauts que cette mode a amenés, le podcast invente une autre forme d’humour, une autre forme de média et atteste d’une créativité manifeste de la part de ces jeunes, dont on pensait qu’ils passaient leur temps sur ordinateur dans l’unique but de le perdre.

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